Au début de la décennie de 2000, un groupe de chercheurs qui
étudiaient les papillons de l’espèce Aphrissa Statica dans la zone centrale du
Panama purent prouver que ces insectes ne se servent pas uniquement du soleil
ou de points de référence locaux pour s’orienter durant leurs longs voyages
migratoires vers les Tropiques, mais qu’en outre ils tirent profit du champ
magnétique de la Terre pour se guider. Ce papillon qui traverse l’aire du canal
de Panama en grandes quantités de mai à juillet a aussi aidé les scientifiques
à déchiffrer la forme selon laquelle les insectes migratoires répondent à des
évènements climatiques comme le “Niño”.
Le Aphrissa Statica est seulement l’un des nombreux
visiteurs qui passent par l’isthme. Le pays reçoit tous les ans des millions
d’espèces voyageuses dont nous avons besoin de mieux comprendre les patrons de
comportement si nous voulons savoir pourquoi le territoire panaméen est
toujours sa route de passage.
Bien que sont nombreux les dangers qui les guettent sur leur
chemin, il est certain que chaque année des centaines d’espèces se déplacent au
long de toute l’Amérique. La majorité d’entre elles proviennent des extrêmes
nord et sud du continent, et la raison principale de leur voyage est
d’atteindre des latitudes au climat plus chaud où se réfugier à l’abri de
l’hiver polaire, et où se trouvent des sources abondantes d’aliments et des
espaces appropriés pour se reproduire.
Certains de ces animaux, comme les tortues marines, les
baleines, et diverses espèces d’oiseaux, sont de véritables champions dans les épreuves
de distance et de résistance.
Le petit Colibri étoile à gorge rubis, par exemple, sort du
Canada et des États Unis quand l’hiver approche et réalise un parcourt de 26
heures et de plus de mille kilomètres, sans repos, jusqu’en Amérique centrale.
La tortue Baul ou Laud, la plus grande des tortues marines,
d’une taille d’environ deux mètres, peut voyager jusqu’à quatorze mille
kilomètres entre les continents, et on a des rapports d’une espèces de baleine
à bosse qui parcourt onze mille cinq cent kilomètres entre le continent
Antarctique et le Costa Rica.
À une certaine étape de leur parcourt, ces trois espèces
font escale au Panama.
Le Colibri étoile à gorge rubis est une des 176 espèces
d’oiseaux migratoires qui passent l’hiver du nord en territoire plus chaud.
La tortue Baul est une des cinq espèces de tortues qui
utilisent les centaines de kilomètres de plages du pays pour y pondre.
La baleine à bosse, de son côté, tire un énorme avantage du
conglomérat d’archipels qui abondent dans le Pacifique, Las Perlas, le Parc
national Coiba, l’île de Parita et les petites îles adjacentes, ainsi que les
îles Secas du golfe de Chiriqui, où elle se reproduit lors de son passage une
année, et revient l’année suivante accompagnée de sa progéniture pour lui
enseigner à plonger.
“Panama possède une énorme quantité d’ensembles insulaires
qui créent des ambiances semi-protégées d’eaux calmes, où les baleines peuvent
entrer pour mettre bas. C’est un habitat très important et un rituel qui a lieu
chaque année” dit Hector Guzman, biologiste marin et chercheur permanent de
l’Institut Smithsonian de Recherches Tropicales.
D’autres baleines comme les Orques et le Rorqual de Bryde,
les requins marteau, les dorades et le requin baleine, le poisson le plus grand
de la planète, sont des “nageurs” qui utilisent aussi les eaux du Panama, tant
des Caraïbes que du Pacifique, durant leurs voyages migratoires.
Selon Guzman, le requin baleine, qui peut mesurer jusqu’à
douze mètres, est une espèce particulièrement difficile à étudier, et bien
qu’on sache qu’il passe par l’isthme pour s’alimenter, il n’y a pas de preuve
qu’il y vienne pour se reproduire. Du requin marteau, par contre, on sait qu’il
utilise les estuaires et mangroves de Chepo, le golfe de Montijo, le golfe de
Chiriqui, et les côtes de Darien pour s’alimenter et mettre bas.
“Nous n’avons pas d’information très précise quant à combien
de temps restent dans les estuaires les petits de requin marteau, mais il est
probable que ce soit quelques semaines, pendant qu’ils apprennent à
s’alimenter” explique Guzman.
Comprendre pour protéger.
Les espèces migratoires remplissent un rôle fondamental dans
la maintenance de la santé des écosystèmes qu’elles visitent et sont en outre
des sources de revenus économiques pour les pays qui organisent des activités
économiques autour de leur passage. Tandis que les chauve-souris et quelques
oiseaux migratoires disséminent les graines et s’alimentent d’animaux nuisibles
pour l’agriculture, l’observation de cétacés et la plongée avec les requins et
autres grands poissons génèrent des millions de dollars par an pour certains pays voisins.
Au Panama, où l’observation d’oiseaux est particulièrement populaire,
les fans d’ornithologie bénéficient du spectacle de millions d’oiseaux rapaces,
de plage, ou chanteurs, qui viennent du Canada, des États Unis ou du Mexique,
et qui remplissent le ciel de la capitale durant les mois de septembre, octobre
et novembre.
“Certaines de ces espèces passent plus de temps au Panama
que sur les lieux où elles naissent, et d’autres sont simplement en transit
vers l’Amérique du sud”, explique l’ornithologue George Angehr, chercheur associé
du STRI et président du comité scientifique de la Société Audubon de Panama.
Selon Angehr, quelques 120 espèces d’oiseaux migratoires
passent tout l’hiver du nord au Panama et nombre d’entre elles sans s’alimenter
durant des mois.
“S’il y a un groupe de milliers d’oiseaux, il est très
difficile qu’ils trouvent de quoi s’alimenter, c’est ainsi que tout simplement
ils engraissent durant l’été du nord, qui bien que court, est très productif
car il y a presque 24 heures de soleil”, signale Angehr.
Malgré les nombreux contages d’oiseaux migratoires qui se
réalisent au Panama depuis plus de quarante ans, Angehr ne sait par où
commencer pour énumérer les études qui devraient être réalisées pour mieux
comprendre le comportement de ces grands voyageurs.
Durant octobre-novembre 2015 a été recensé le passage de deux millions et demi de rapaces.
Durant octobre-novembre 2015 a été recensé le passage de deux millions et demi de rapaces.
“C’est très peu ce que nous connaissons sur beaucoup d’entre
elles. Par exemple, on ne sait pas combien de temps passent les oiseaux de
plage sur une aire déterminée”, dit le chercheur. “Nous serions enchantés de
pouvoir faire plus en termes de monitorisation, mais nous n’avons pas les
ressources suffisantes”.
La manière la plus efficace d’étudier le comportement
migratoire de n’importe quelle espèce requiert un travail de
monitorisation que commence par capturer l’animal, le marquer avec un système
de suivi et ensuite le libérer pour contrôler ses mouvements. Une technique qui
s’utilise tant avec des insectes que des oiseaux ou de grands mammifères.
Durant l’année passée, Hector Guzman et son équipe publièrent les
résultats d’une étude réalisée avec quinze baleines à bosse marquées avec des
dispositifs de télémétrie, et dont l’objectif était de savoir quel était le
risque de collision entre les cétacés et les bateaux qui entrent et sortent du
canal de Panama par le Pacifique. En suivant les baleines au moyen de signaux
de satellites et en superposant leurs trajets et ceux des embarcations, les
chercheurs conclurent que le risque était suffisamment élevé pour justifier une
proposition de créer des dispositifs de séparation de trafic, des avenues
artificielles pour que les embarcations suivent un ordre déterminé en entrant
dans le golfe de Panama, ce qui pourrait réduire de 90% les risques de
collision. Selon Guzman, la proposition, acceptée par le gouvernement du
Panama, est en attente de l’approbation de l’Organisation Maritime
Internationale.
Des initiatives comme celle-ci contribuent à ce que les
efforts de conservation d’espèces migratoires tant emblématiques comme les
baleines à bosse puissent continuer.
Par contre, les chercheurs coïncident sur le fait que les
insectes, oiseaux, mammifères et poissons qui se déplacent d’un endroit à
l’autre continuent d’être menacés par la perte ou altération de leur habitat,
par la gestion désordonnée des ressources et par le développement côtier
indiscriminé, problèmes qui peuvent se résoudre seulement par le travail
conjoint des pays concernés.
“C’est une obligation morale” dit Guzman. “Ces espèces ne
sont pas panaméennes, c’est pour cela que doivent être cherchées des alliances
avec d’autres pays”.
Certes, les espèces migratoires n’appartiennent à personne
sinon à tous. Et pour le Panama, un pays qui durant les derniers trois millions
d’années a servi de pont de passage pour la faune de deux continents, les
comprendre et les protéger c’est assurer la continuité de sa propre histoire
naturelle.
Certaines photos ont été empruntées à une revue locale
Certaines photos ont été empruntées à une revue locale
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