13 août 2013

Les espèces migratoires au Panama

Les espèces migratoires au Panama



Au début de la décennie de 2000, un groupe de chercheurs qui étudiaient les papillons de l’espèce Aphrissa Statica dans la zone centrale du Panama purent prouver que ces insectes ne se servent pas uniquement du soleil ou de points de référence locaux pour s’orienter durant leurs longs voyages migratoires vers les Tropiques, mais qu’en outre ils tirent profit du champ magnétique de la Terre pour se guider. Ce papillon qui traverse l’aire du canal de Panama en grandes quantités de mai à juillet a aussi aidé les scientifiques à déchiffrer la forme selon laquelle les insectes migratoires répondent à des évènements climatiques comme le “Niño”.

Le Aphrissa Statica est seulement l’un des nombreux visiteurs qui passent par l’isthme. Le pays reçoit tous les ans des millions d’espèces voyageuses dont nous avons besoin de mieux comprendre les patrons de comportement si nous voulons savoir pourquoi le territoire panaméen est toujours sa route de passage.
Bien que sont nombreux les dangers qui les guettent sur leur chemin, il est certain que chaque année des centaines d’espèces se déplacent au long de toute l’Amérique. La majorité d’entre elles proviennent des extrêmes nord et sud du continent, et la raison principale de leur voyage est d’atteindre des latitudes au climat plus chaud où se réfugier à l’abri de l’hiver polaire, et où se trouvent des sources abondantes d’aliments et des espaces appropriés pour se reproduire.
Certains de ces animaux, comme les tortues marines, les baleines, et diverses espèces d’oiseaux, sont de véritables champions dans les épreuves de distance et de résistance.

Le petit Colibri étoile à gorge rubis, par exemple, sort du Canada et des États Unis quand l’hiver approche et réalise un parcourt de 26 heures et de plus de mille kilomètres, sans repos, jusqu’en Amérique centrale.

Autre espèce de Colibri


La tortue Baul ou Laud, la plus grande des tortues marines, d’une taille d’environ deux mètres, peut voyager jusqu’à quatorze mille kilomètres entre les continents, et on a des rapports d’une espèces de baleine à bosse qui parcourt onze mille cinq cent kilomètres entre le continent Antarctique et le Costa Rica.

À une certaine étape de leur parcourt, ces trois espèces font escale au Panama.
Le Colibri étoile à gorge rubis est une des 176 espèces d’oiseaux migratoires qui passent l’hiver du nord en territoire plus chaud.
La tortue Baul est une des cinq espèces de tortues qui utilisent les centaines de kilomètres de plages du pays pour y pondre.
La baleine à bosse, de son côté, tire un énorme avantage du conglomérat d’archipels qui abondent dans le Pacifique, Las Perlas, le Parc national Coiba, l’île de Parita et les petites îles adjacentes, ainsi que les îles Secas du golfe de Chiriqui, où elle se reproduit lors de son passage une année, et revient l’année suivante accompagnée de sa progéniture pour lui enseigner à plonger.


“Panama possède une énorme quantité d’ensembles insulaires qui créent des ambiances semi-protégées d’eaux calmes, où les baleines peuvent entrer pour mettre bas. C’est un habitat très important et un rituel qui a lieu chaque année” dit Hector Guzman, biologiste marin et chercheur permanent de l’Institut Smithsonian de Recherches Tropicales.
D’autres baleines comme les Orques et le Rorqual de Bryde, les requins marteau, les dorades et le requin baleine, le poisson le plus grand de la planète, sont des “nageurs” qui utilisent aussi les eaux du Panama, tant des Caraïbes que du Pacifique, durant leurs voyages migratoires.


Selon Guzman, le requin baleine, qui peut mesurer jusqu’à douze mètres, est une espèce particulièrement difficile à étudier, et bien qu’on sache qu’il passe par l’isthme pour s’alimenter, il n’y a pas de preuve qu’il y vienne pour se reproduire. Du requin marteau, par contre, on sait qu’il utilise les estuaires et mangroves de Chepo, le golfe de Montijo, le golfe de Chiriqui, et les côtes de Darien pour s’alimenter et mettre bas.
“Nous n’avons pas d’information très précise quant à combien de temps restent dans les estuaires les petits de requin marteau, mais il est probable que ce soit quelques semaines, pendant qu’ils apprennent à s’alimenter” explique Guzman.

Comprendre pour protéger.
Les espèces migratoires remplissent un rôle fondamental dans la maintenance de la santé des écosystèmes qu’elles visitent et sont en outre des sources de revenus économiques pour les pays qui organisent des activités économiques autour de leur passage. Tandis que les chauve-souris et quelques oiseaux migratoires disséminent les graines et s’alimentent d’animaux nuisibles pour l’agriculture, l’observation de cétacés et la plongée avec les requins et autres grands poissons génèrent des millions de dollars par an pour certains pays voisins.
Au Panama, où l’observation d’oiseaux est particulièrement populaire, les fans d’ornithologie bénéficient du spectacle de millions d’oiseaux rapaces, de plage, ou chanteurs, qui viennent du Canada, des États Unis ou du Mexique, et qui remplissent le ciel de la capitale durant les mois de septembre, octobre et novembre.

“Certaines de ces espèces passent plus de temps au Panama que sur les lieux où elles naissent, et d’autres sont simplement en transit vers l’Amérique du sud”, explique l’ornithologue George Angehr, chercheur associé du STRI et président du comité scientifique de la Société Audubon de Panama.
Selon Angehr, quelques 120 espèces d’oiseaux migratoires passent tout l’hiver du nord au Panama et nombre d’entre elles sans s’alimenter durant des mois.
“S’il y a un groupe de milliers d’oiseaux, il est très difficile qu’ils trouvent de quoi s’alimenter, c’est ainsi que tout simplement ils engraissent durant l’été du nord, qui bien que court, est très productif car il y a presque 24 heures de soleil”, signale Angehr.
Malgré les nombreux contages d’oiseaux migratoires qui se réalisent au Panama depuis plus de quarante ans, Angehr ne sait par où commencer pour énumérer les études qui devraient être réalisées pour mieux comprendre le comportement de ces grands voyageurs.
Durant octobre-novembre 2015 a été recensé le passage de deux millions et demi de rapaces.
“C’est très peu ce que nous connaissons sur beaucoup d’entre elles. Par exemple, on ne sait pas combien de temps passent les oiseaux de plage sur une aire déterminée”, dit le chercheur. “Nous serions enchantés de pouvoir faire plus en termes de monitorisation, mais nous n’avons pas les ressources suffisantes”.
La manière la plus efficace d’étudier le comportement migratoire de n’importe quelle espèce requiert un travail de monitorisation que commence par capturer l’animal, le marquer avec un système de suivi et ensuite le libérer pour contrôler ses mouvements. Une technique qui s’utilise tant avec des insectes que des oiseaux ou de grands mammifères.
Durant l’année passée,  Hector Guzman et son équipe publièrent les résultats d’une étude réalisée avec quinze baleines à bosse marquées avec des dispositifs de télémétrie, et dont l’objectif était de savoir quel était le risque de collision entre les cétacés et les bateaux qui entrent et sortent du canal de Panama par le Pacifique. En suivant les baleines au moyen de signaux de satellites et en superposant leurs trajets et ceux des embarcations, les chercheurs conclurent que le risque était suffisamment élevé pour justifier une proposition de créer des dispositifs de séparation de trafic, des avenues artificielles pour que les embarcations suivent un ordre déterminé en entrant dans le golfe de Panama, ce qui pourrait réduire de 90% les risques de collision. Selon Guzman, la proposition, acceptée par le gouvernement du Panama, est en attente de l’approbation de l’Organisation Maritime Internationale.
Des initiatives comme celle-ci contribuent à ce que les efforts de conservation d’espèces migratoires tant emblématiques comme les baleines à bosse puissent continuer.
Par contre, les chercheurs coïncident sur le fait que les insectes, oiseaux, mammifères et poissons qui se déplacent d’un endroit à l’autre continuent d’être menacés par la perte ou altération de leur habitat, par la gestion désordonnée des ressources et par le développement côtier indiscriminé, problèmes qui peuvent se résoudre seulement par le travail conjoint des pays concernés.
“C’est une obligation morale” dit Guzman. “Ces espèces ne sont pas panaméennes, c’est pour cela que doivent être cherchées des alliances avec d’autres pays”.
Certes, les espèces migratoires n’appartiennent à personne sinon à tous. Et pour le Panama, un pays qui durant les derniers trois millions d’années a servi de pont de passage pour la faune de deux continents, les comprendre et les protéger c’est assurer la continuité de sa propre histoire naturelle.

Certaines photos ont été empruntées à une revue locale


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